De nouveaux habitants désabusés
Une habitante des premiers logements de la ZAC Bossut livrés en 2015 a faire part d’un vécu compliqué. Les logements sont neufs mais « le quartier n’est encore qu’un chantier ! » : « ce qui donne l’impression d’être abandonnés par la commune car on est cachés ». « Pas de commodité pour les enfants « « Ce quartier connaît des difficultés en terme de voisinage. A côté de la résidence sociale Adoma (en dessous de la ligne haute tension)se trouve un camp de caravanes, c’est insalubre, quasiment une décharge qui amène beaucoup de rats. » et « on ne sait pas à qui appartient ce terrain d’où la non intervention de qui que ce soit. ! ». « Pour beaucoup de familles de gendarmes du pole scientifique qui pensaient arriver dans un quartier sain et cela a été une désolation par rapport à ce qui avait été promis avec commerces et plein de choses. » « La deuxième école n’est toujours pas construite et ils font de nouveaux logements, et des enfants vont à l’école à Marcouville. C’est un scandale ! Obliger une maman de faire tout le tour de la ville. Les parents ont râlé à la rentrée scolaire. »
« A la réunion de quartier de l’équipe municipale à l’école Gustave Loiseau les gens ont beaucoup parlé du Niglo », selon un autre témoin. C’est un espace pour familles du voyage dont beaucoup se sédentarisent : il est précédé par deux petits immeubles de logements sociaux très dégradés qui appartiennent à Emmaüs. « Tout au bout, il y a un espace et c’est proche du bidonville. » « c’est dommage que l’on ne puisse pas accéder au parc des Larris par là pour avoir une promenade sympa ». « C’est un quartier cul-de-sac. »
Le programme de la ZAC Bossut prévoit de démolir le stade municipal, pour y construire des immeubles de logement et un parking, Le Président d’un club de foot, avait interrogé en réunion publique « mais moi je vais où avec mes enfants ? ». Il lui a été répondu par l’équipe municipale « ne vous inquiétez pas, vous irez sur d’autres infrastructures ». Sachant que les infrastructures sportives sur Pontoise sont déjà assez surchargées les personnes présententes partageaient son inquiétude.
Un constat partagé
Au-delà des spécificités du secteur Zone d’Action Concertée (ZAC) Bossut en construction, le constat collectif est qu’à Pontoise les gens apprécient leur quartier de résidence même s’ils soulignent le manque d’équipements sportifs et d’espaces notamment pour les jeunes.
Un parent « La mairie prête le gymnase du collège Chabannes aux écoles primaires de la zone, donc les collégiens vont à Marie-Laurencin aux Louvrais ». « On a attendu 20 ans pour avoir l’équipement de quartier !" (Espace de vie sociale Larris Maradas) Un jeune homme a témoigné : « J’ai habité Marcouville. Il y avait une bonne ambiance, l’aide populaire, une bonne mentalité, mais pas de transport, uniquement le bus 43, trop rare : cela a décoté, plus possible de bouger et de se déplacer ! Ne pas avoir assez de transports pour se déplacer librement ça crée des tensions entre les habitants ». Qu’envisage la municipalité pour résoudre cet enclavement ? La construction du parking dans le jardin de la ville qui permettra aux habitants de Marcouville de venir faire leurs courses en centre ville comme l’expliquait la 3e adjointe à la dernière réunion de quartier !
D’autres ont fait part d’espoirs déçus : « le paquet est embelli pour la présentation du projet de construction aux habitants des alentours » « Pour les Bords de l’Oise, (programme Bellerive), le promoteur avait promis une brasserie et, une supérette au-dessous de la résidence séniors à proximité d’un futur rond-point ». « Mais non, cela va être un immeuble standard ! C’est facile à vendre et plus rentable ! »Tout le secteur doit vivre avec ces nouveaux habitants en bord d’Oise et le manque de places à l’école. Seul commerce de proximité la station-service vire à la supérette. Il était évident pour tous que les équipements publics sont sous-dimensionnés de ce côté-là de la gare.
Des initiatives bridées
Aux demandes d’habitants du quartier Bossut « qu’on nous laisse de l’espace qui sera construit plus tard pour en faire quelque chose de provisoire, qui réponde à nos besoins d’espaces collectifs comme un jardin partagé ou un square » la Ville a répondu que c’était impossible « car c’est géré par la communauté d’agglomération » Nos témoins se sentaient « pris en otage » entre Ville et CACP, malgré deux Vice-Présidents pontoisiens dont le maire. Pour ce dernier « quand ce n’est pas la faute à la CACP, c’est la faute au syndic ou au bailleur » a rappelé le participant d’une réunion publique à Marcouville.
Et pourtant « chaque fois que les gens ont des raisons d’être sur l’espace public c’est bon pour la vie sociale » : dans un quartier « il faut du square, des jeux d’enfants, des gens qui agissent en extérieur ». Mais pour le nouveau bailleur Erigère à Marcouville, faire une aire de jeu d’enfants c’est « trop de responsabilité », "Ils doivent dépenser l’argent de l’exonération de la Taxe foncière mais ils ne veulent pas de ce projet demandé par les habitants".
L’argent disponible ne suffit pas : « quand un bailleur crée un jardin partagé aux Louvrais, il ne laisse pas le conseil de quartier décider de l’endroit où doit se faire le jardin" : ça a donc été installé sans prise d’eau et au soleil brûlant. « ça a coûté 8 000 euros » , a argumenté l’association spécialisée chargée de l’accompagnement social , sous entendant « ne vous plaigniez pas ! ». Or Il faut de l’Accompagnement social ET de la volonté politique pour dialoguer vraiment avec les habitants et voir ce qui marche ou pas.
Enfin il y a d’autres pistes que les grandes opérations pour améliorer la vie dans son quartier : Pour l’Auto-réhabilitation,il y a des exemples :" des associations, des entreprises de l’économie sociale et solidaire du logement, font de l’accompagnement des habitants pour les aider dans leurs priorités et les accompagner dans la rénovation intérieure de leurs logements », Il y a des expériences dont on peut s’inspirer : « dans des projets par immeuble, par résidence, les voisins viennent travailler avec leurs voisins, on construit, on décore ensemble, tout en améliorant les liens sociaux. » La conclusion était partagée : "plus de solidarité, et plus de circulation cela fait plus de sécurité dans son quartier. »
Un senior regrette : « il y a le logement inter-générationnel, mais personne à Pontoise pour s’y intéresser., alors qu’il se construit des résidences intergénérationnelles locatives depuis dix ans à Menucourt, Cergy et Vauréal… » Il s’agit d’immeubles de logements pensés pour plusieurs types de foyer : famille ou personne isolée, certains sont adaptés aux personnes âgées et aux divers handicaps. Ils ont au moins une salle commune pour permettre les activités collectives et le lien social. car « si on échange chacun 50 €, on n’est pas plus riche mais si on échange chacun son idée, on a deux idées ».
« Le jardinage en commun, cela donne un autre aspect au quartier. Et ce n’est pas que du minéral » déclarait une jeune femme : « On sait que les Incroyables Comestibles (IC) Cergypontains sont plutôt ultra engagés. L’assemblée a convenu que « C’est un chemin qui se fera petit à petit » et « il faut que ça passe par l’école ». car « quand les Incroyables Comestibles proposent de faire des bacs de cultures à Pontoise, la Ville trouve que ça ne fait pas propre. »
La question de l’espace public
Les difficultés constatées sont relativement similaires dans presque tous les quartiers : l’espace public n’y est pas très accueillant et trop de personnes ne s’y sentent pas légitimes. Le débat était très animé : « C’est vrai : les filles n’ont pas le droit d être dehors si elles ne gardent pas les petits » et « L’un des seuls endroits où les grandes peuvent être dehors aux Louvrais c’est derrière la clôture du stade. » Et les gars Ils ont « foot ou jeux de ballon dans les city parks, sinon rien ».
S’il n’y a pas assez d’espace extérieurs dans cette ville où les jeunes puissent juste être entre eux, rien n’est simple a démontré le débat. Reproche exprimé lors d’une réunion samedi aux Louvrais : « les parents n’en peuvent plus du bruit ». Les jeunes veulent un lieu où ils peuvent se réunir. C’est vrai même quand il y a un centre socioculturel : « les maisons de quartier, ça ne marche plus pour les ados qui veulent être entre eux sans activité encadrée : ils veulent des lieux d’accueil et ils n’ont pas d’argent », « cet été des tentes –des vit’abris- ont été installées aux Louvrais par les éducateurs de la Sauvegarde. Les habitants ont dit que c’était pas mal …. alors que pour les espaces à l’intérieur, très peu d’enfants en profitaient et cela ne permettait pas d’aller vers les familles. » Le constat pour l’été était donc que « Ce sont des activités plutôt à l’extérieur qui ont été demandées. »
Vauréal une intensification urbaine réussie
Le cas de Vauréal, petite ville de l’agglomération qui a décuplé en moins de 20 ans, a été décrit en exemple d’action municipale urbaine réussie . L’équipe de l’ancien maire Bernard Morin, a su donner envie de passer du pavillonnaire à l’habitat collectif, Ainsi les seniors ont pu rester dans leur ville dans des logements moins lourds à entretenir, plus petits mais plus près des services. De fait, ils ont laissé les maisons familiales aux jeunes générations.
Au moment de continuer à urbaniser le plateau en direction de Jouy.-le-Moutier, la municipalité de Vauréal a osé décider le « grand sacrilège » d’y déplacer la mairie ! L’objectif était de faire de ce quartier neuf "un vrai quartier de centre-ville, agréable et utile à tous" y compris aux habitants du village d’origine, juste en bas de la côte. Le maire a vraiment su impulser un projet urbain et négocier avec les promoteurs et les aménageurs. Sa mairie est aussi une salle des fêtes adaptée aux nouveaux besoins. Elle peut faire cinéma et théâtre, un lieu culturel qui manquait à Vauréal.
Selon Bernard Morin, "l’implantation de commerce qui fonctionnent est essentiel à la réussite d’un quartier neuf." En conséquence la nouvelle mairie et les petits commerces de qualité installés en pied d’immeuble sont visibles de la voie principale tout en étant au cœur de cette nouvelle zone d’habitation.
C’était un choix contraire a ce qui s’est trop longtemps fait en ville nouvelle : le site commercial était implanté en cœur d’îlot, cerné complètement d’immeubles d’habitation et donc invisible aux personnes extérieures au quartier. Les clients ne pouvaient y être que les habitants du secteur ce qui n’a jamais été suffisant pour faire vivre des commerces.
Le contre exemple pontoisien
Marcouville a été victime de cette mode : tous les commerces au milieu du grand ensemble ont fait faillite, tout comme aux Larris. Ce n’est qu’assez récemment que de nouvelles boutiques se sont installées à proximité : ils sont à l’extérieur, visibles dès la bretelle de sortie de la départementale et du parking public et ils fonctionnent bien même s’il manque encore une pharmacie au quartier. Quand aux parcelles commerciales désaffectées, elles grèvent le budget de la copropriété dont elles constituent les pieds d’immeuble. Lors des concertations de la Zac Bossut, il avait été évoqué que la zone commerciale serait installée le long de la chaussée Jules-César, afin qu’elle soit utile aux gens du quartier neuf comme à ceux du quartier ancien et à ceux de passage. Mais non, ignorant les leçons du passé, c’est autour de l’espace central que ça se fera.
Le développement durable aurait voulu qu’on ne fasse pas de zonage exclusif car le mélange bureau service logement permet de faire tourner les places de stationnement. Il est en plus "énergivorace" de chauffer un immeuble de bureaux vide la nuit et week-end et ailleurs un immeuble de logements vide la journée. La Zac Bossut devait être un éco quartier, S’il y a bien eu respect de quelques normes écologiques, ce nouveau quartier urbain n’a pas les moyens de vivre de façon équilibrée avec une mixité de fonctionnement et de population.
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