Un bon tour de table
Le panel était constitué de Francis Palombi, président de la confédération des commerçants de France, de Jean-Noël Carpentier, maire de Montigny-lès-Cormeilles, de Jean-Louis Orain, président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat du Val-d’Oise, et de Juliette Espargilière, conseillère régionale d’Ile-de-France. On a pu regretter l’absence de représentant de grandes surfaces voisines, aussi le débat a convergé vers la défense du petit commerce et des centres-villes. Le débat était animé par François Ernst, leader départemental du parti La République En Marche (LREM.
Le numérique facteur de mutation
Le constat est national pour ne pas dire européen et mondial. Le développement de l’e-commerce a bouleversé le commerce, tous azimuts. Un nouveau modèle économique est à trouver pour intégrer les achats en ligne qui se font le plus souvent à des grossistes-détaillants hors sols. Les grandes surfaces développent de nouveaux services comme les « drive-in » pour les produits du quotidien. Supermarchés et supérettes de cœur de ville réinventent la livraison. Les boutiques de marques qui bénéficient d’une visibilité collective se sont multipliées dans les galeries commerçantes. Le besoin de voir de toucher et d’essayer fait encore barrage à la concurrence sévère des géants du commerce en ligne.
Les grandes surfaces (50 à 60 000 m2) sont génératrices de taxes et d’emploi. C’est le premier argument qu’elles emploient devant les élus pour une rénovation, une extension ou l’aménagement d’une nouvelle zone à vocation commerciale, le plus souvent aux dépends de terres agricoles. C’est ainsi que la deuxième couronne d’Ile de France connait encore de multiples projets d’installations dont Europacity sur le Val d’Oise.
Mais quand on fait le bilan, la balance peut être négative. Les grandes enseignes poursuivent néanmoins leur logique de développement, notamment pour éviter que les places soient prises par la concurrence. Elles sont ainsi devenues des propriétaires fonciers. On ne parle plus d’Auchan mais d’Immochan. C’est probablement le long terme qui justifie pour ces sociétés la création de centres commerciaux condamnés par l’évolution des pratiques à n’être jamais bénéficiaires. Une terre non urbanisable peut le devenir un jour, surtout quand elle a été aménagée avec subsides publics sur une zone d’activité. C’est à ce moment là que se crée le bénéfice...
Un centre ville, ce n’est pas que du commerce
Le Président de la confédération des commerçants de France, Francis Palombi, présentait un cas, qui vient du Canada, celui de la création de sociétés coopératives d’intérêt collectif qui réunissent les partenaires autour des questions liées au centre-ville, sur un périmètre défini : commerçants, chambres de commerce, des métiers et de l’artisanat, élus municipaux.... Si le modèle semblait bien illustrer le besoin de gouvernance d’une ville, parce qu’il permet la concertation, il n’était pas directement applicable en l’état dans le cas français. Dans l’exemple cité, chaque partenaire s’engage financièrement et de manière contraignante dans la coopérative.
Le Maire de Montigny les Cormeilles, Jean-Noël Carpentier, fustigeait l’idéologie de « l’homo economicus ». Son constat est accablant dans sa commune : 100 000 m2 de commerces sans centre ville, un habitat trop cher qui se détériore, l’épineuse question du transport, du stationnement et des mobilités. Les promoteurs immobiliers « ont tué le centre ville » s’exclamait-il. « on ne peut pas prendre le sujet par le seul biais du commerce ». Il faut mener de front une politique de rénovation de l’habitat, gérer les magasins vacants, rendre attractif le centre ville, questionner les horaires d’ouverture des commerces et des services, en traitant aussi le problème de stationnement. Sur ce dernier sujet il rappelle qu’il a créé un parking gratuit pour faciliter l’accès autour de la mairie, donc avec un manque à gagner de taxes foncières. Un participant dans la salle rappelait qu’à Pontoise, ce sont les commerçants eux-mêmes qui squattent les parkings de proximité à la place de leurs clients !
Juliette Espagilière, conseillère régionale d’Île de France, rappelait que la Région a la compétence du développement économique. Elle signalait que la moitié de son budget va à Paris. Le département du Val d’Oise ne représente que 4% des projets retenus. Elle rappelait de la politique de revitalisation des centres-villes au travers des plans Etat-Régions qui génèrent des fonds d’aide à l’investissement et des systèmes de prêts. Le risque est que toute la priorité des investissements soit donnée à la seule zone de Roissy.
Une nouvelle association de commerçants à Pontoise
L’association « les vitrines de Pontoise », qui regroupe 60 adhérents sur les 300 commerces présents dans la ville, s’intéresse aussi au numérique et à la communication dans les médias. Elle agit sur l’ensemble de la ville. A cette fin elle a créé 9 postes d’ambassadeurs des différentes zones commerciales. Ses adhérents sont prêts à adapter leurs horaires lors des évènements créés par la municipalité. Son Président rappelait l’insuffisance de transports en communs, le manque de fléchage sur les parcours piétonniers, et le trop faible engagement de la ville (un budget de 15 000€ dont les 2/3 sont consommés par les Noélies).
« Comment résister devant les grandes surfaces dont les moyens sont sans commune mesure avec ceux des petits commerçants de Pontoise ? » constatait un élu de la majorité, commerçant lui-même. Et d’ajouter « si les petits commerçants ne sont pas unis, les grandes surfaces le sont ». Un aveu d’impuissance qui ne peut laisser indifférent : la question de la revitalisation du commerce de proximité demeure entière. C’est la respiration d’une ville, sa vie, son attractivité. Sinon on perd du lien social.
Pontoise Ensemble partage ce diagnostic. Il y a besoin d’une politique cohérente du commerce de ville dans les quartiers d’habitation comme dans le centre. Ce n’est pas tant le commerce du quotidien qui se porte mal, malgré le malaise réel des pharmaciens : les moyennes surfaces ouvertes 7 jours sur 7 avec livraison gratuite se sont multipliées ces dernières années. Les commerces spécifiques, moins dépendant de l’habitat, ont une dynamique qualitative et collective à élaborer avec le soutien de la municipalité.
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