La table-ronde
Notre Présidente, Aziza Akhmouch, a rappelé pourquoi notre association organisait ce type de table-ronde participative. Nous refusons que les dossiers locaux soient réservés aux "spécialistes". Même sur un sujet aussi sensible que celui de la sécurité, nous entendons favoriser, par des débats informés, la compréhension des enjeux et la participation des habitants aux décisions qui les concernent, si possible avant que les "décideurs" ne tranchent de façon irréversible.
Didier Peyrat a ensuite présenté les traits saillants des résultats de l’enquête de victimation effectuée à Pontoise avant l’été. 853 Pontoisiens ont été interrogés pour cerner leurs inquiétudes, leurs opinions sur l’insécurité dans leur ville, et pour qu’ils disent de quels délits ils estiment avoir été victimes.
Si l’insécurité est encore relativement limitée à Pontoise, elle est néanmoins bien réelle et très différenciée selon les classes sociales, les âges et les quartiers. Comment peut-on se satisfaire d’une situation ou prés de 50% de la population, durant les 3 dernières année, affirme avoir été victime d’au moins une atteinte aux biens (vols, cambriolages, dégradations), et 12% d’une infraction accompagnée de violence (vols aggravés, agression, violences diverses) ?
En tout cas, les Pontoisiens, en classant comme première mesure prioritaire à prendre l’augmentation du nombre d’éducateurs spécialisés, puis en second le renforcement des animations en direction des jeunes, démontrent que loin de céder à une "panique sécuritaire", ils plébiscitent les mesures de fond plutôt que les gadgets.
document pdf : l’intervention intégrale de D.P.
Pierre Verney, notre deuxième intervenant, a explicité le rôle de "l’éducation spécialisée" en montrant, à l’aide d’exemples concrets (y compris sur le plan local) le rôle indispensable de médiation, d’écoute et d’accompagnement que les éducateurs jouent dans les quartiers délaissés.
Un topo fort vivant, passionné même, qui en appelait à une véritable reconquête de la rue... Par les professionnels d’abord (ce qui suppose de donner à cette profession les moyens de ses actions, au lieu, comme les politiques le font souvent en ce moment, de tenter de les disqualifier...). Par les adultes ensuite, qui ont trop tendance à laisser les espaces publics vacants. Laissant ainsi certains jeunes se socialiser "entre eux", à l’écart de nos règles républicaines.
document pdf : l’intervention intégrale de P.V.
Anne Wyvekens, enfin, a approfondi notre réflexion sur la prévention, en montrant comment avait émergé, à côté du concept classique de "prévention sociale", la notion de "prévention situationnelle". Il s’agit d’un ensemble de mesures matérielles, urbanistiques et techniques prises pour dissuader les délinquants de passer à l’acte. Celle-ci n’est pas réductible, comme on l’affirme trop souvent en France, à l’installation de caméras de surveillance. Améliorer l’éclairage public, penser les ensembles immobiliers afin qu’ils ne soient pas anxiogènes, installer des systèmes anti-vols efficaces, tout cela fait partie de la "prévention situationnelle".
Anne Wyvekens a également insisté sur la possible dimension humaine de la prévention, en rappelant le rôle que les habitants peuvent jouer, à condition de les mobiliser, non pour les transformer en "flic" de leurs quartiers, mais sur la base d’une conviction partagée que la sécurité des lieux qu’ils occupent est une composante essentielle de la qualité de la vie en milieu urbain.
document pdf : l’intervention intégrale d’A.W.
La discussion
Un débat très riche s’en est suivi, qu’il est évidemment difficile de résumer sans en occulter certains aspects. Faisons le pari néanmoins...
Certains craignent toujours que les mesures prises pour améliorer la sécurité ne stigmatisent les jeunes, encore sur la sellette, et, au fond, que le désir de sécurité n’étouffe nos libertés. Les dérapages sécuritaires continus depuis 2002 ne sont pas là, il est vrai, pour rassurer... L’obsession des caméras, alors même que leur bilan en terme de performance est de plus en plus contesté, notamment en Grande Bretagne, suscite bien des craintes. Paradoxe d’un dispositif fait pour "tranquilliser" et qui, au final, aggrave les inquiétudes ?
Mais d’autres estiment que l’opposition "sécurité/liberté" est un peu courte, quand on constate que certains actes de délinquance finissent par diminuer la liberté d’aller et venir des victimes... Ainsi, on ne comprend rien à la montée en puissance des dispositifs sécuritaires si on oublie de rappeler que la séduction qu’ils opèrent dans l’opinion n’est pas sans rapport avec une montée bien réelle de l’insécurité, jugée inadmissible. On doit pouvoir répondre au besoin de sécurité sans porter atteinte à nos libertés. Mais cela suppose d’admettre qu’il y a de de l’insécurité, et de ne pas esquiver ses impacts très négatifs sur le lien social.
Des habitants des Louvrais, nombreux hier soir, ont exprimé leurs inquiétudes sur ce qui se passe dans leur quartier depuis quelques mois. Croit-on qu’avec 6 éducateurs (trices) spécialisé(e)s pour une ville de 30000 habitants on va sérieusement s’attaquer au problème de l’insécurité à Pontoise ?
La question des violences en milieu scolaire a également été abordée par plusieurs enseignants. Comment briser les spirales vicieuses qui s’établissent entre l’échec scolaire et l’entrée précoce en délinquance ?
Une avocate du barreau de Pontoise, témoignant à partir de son expérience professionnelle, a insisté sur l’impérative nécessité que les institutions rompent avec des modes d’action souvent ressentis comme humiliants, par exemple en matière de contrôle d’identité et de respect de la dignité des "gardés à vue". Un gardien d’immeuble, enfin, s’appuyant sur une expérience de réhabilitation vécue dans un immeuble dégradé de Pontoise, nous a rappelé que des micro-actions étaient tout aussi nécessaires que les grands discours. Il a également souligné le facteur négatif que constituent l’absence d’emplois pour les jeunes.
Au total un débat qui donne envie de continuer à s’investir sur un sujet dont l’actualité ne disparaîtra pas du jour au lendemain, mais dont la complexité réclame de parvenir à dépasser le choc des émotions et les idées toutes faites.
Rappelons, pour terminer, à celles et ceux qui veulent contribuer à un diagnostic partagé de l’insécurité à Pontoise, ainsi qu’à l’élaboration d’une politique locale de sécurité fondée sur les valeurs de gauche, qu’un groupe de réflexion existe dans notre association et qu’il est possible de le rejoindre.
Pour rejoindre ce groupe et/ou obtenir par mail la synthèse de l’enquête de victimation réalisée à Pontoise, écrire à :
didierpeyrat@pontoisensemble.asso.fr
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